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Lletres: Pierre Louki. Vers Bissextils. Jamais On N'avait Vu.


Jamais on n'avait vu autant de monde a ses obseques
Il faut preciser qu'il mourait pour la premiere fois
Il y avait des gens, encore des gens et meme un Tcheque
Qui, pour la rime, se trouvait la
De son vivant il n'avait jamais attire personne
La foule le meprisait du fait qu'il existait encore
Car pour etre enterre, du moins dans le monde ou nous sommes
Ca fait du tort d'etre pas mort

Combien de fois, pourtant, n'avait-il pas tente la belle ?
Priant le fossoyeur de s'apitoyer sur son sort
Helas, le terrassier criait menacant de sa pelle
"Revenez quand vous serez mort !"
Par ces temps decadents quel destin curieux est le notre
Annoncez votre mort, on vous traite de resquilleur
Et, pour vous empecher d' vous attribuer la place d'un autre,
On vous prie d'aller vivre ailleurs

Aller vivre sa vie c'est bien moins marrant qu'on n' le pense
Pourtant nous la vivons jusqu'a son bout, fidelement
Semblable devotion devrait permettre en recompense
De vivre son enterrement
On serait a la fois des deux cotes du chrysantheme
L'enterreur enterre, le sens dessus, le sens dessous
Et, comme on n'est jamais si bien suivi que par soi-meme,
On se pleurerait tout son saoul

Dans notre monde, helas, les defunts n'ont droit qu'a se taire
Ca n'est pas d'aujourd'hui que c'est ainsi et c'est navrant
Mais si les morts pouvaient se rendre eux-memes au cimetiere
A quoi serviraient les vivants ?
Mieux vaut n'en plus parler qu'avoir le droit de n'en rien dire
Suivons les morts ingrats qui, eux, jamais ne nous suivront
Et, s'il faut en pleurer plutot qu'etre obliges d'en rire,
A quoi bon se faire du mouron ? Mourons !