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Lletres: Renaud. Marche à L'Ombre. La Teigne.


L'etait bati comme un moineau
Qu'aurait ete malade.
A la bouche, derriere son megot,
Y' avait des gros mots en cascades.
L'etait pas bien gros c't' asticot,
Mais c'etait une vrai boule de haine,
On lui filait plein d' noms d'oiseaux.
Meme ceux qui l' connaissaient qu'a peine
L'appelaient la teigne.

Il avait pas connu ses vieux,
Il etait d' l'Assistance,
Ce genre d'ecole, pour rendre joyeux,
C'est pas vraiment Byzance.
D'ailleurs on lisait dans ses yeux
Qu' pour qu'y soit bien fallait qu'on l' craigne,
Si tu rentrais pas dans son jeux,
Putain ! C' que tu r'cevais comme beignes,
C'etait une teigne.

Avec les gonzesse, les mich'tons,
L'etait encore plus vache :
J' te pique tes sous, j' te fous des gnons,
Tu tombes amoureuses et j' m'arrache.
Pour sa p'tite gueule, ses poings d' beton,
Plus d'une se serait jetee a la Seine,
Elles lui parlaient d'amour, d' passion,
Y repondait pas des chataignes,
C'etait une teigne.

L'avait pas fete ses vingt berges
Quand, une nuit de novembre,
On l'a r'trouve raide comme un cierge,
Pendu au beau milieu d' sa chambre.
Si y'a un bon Dieu, une Sainte Vierge,
Faut qu'ils l'accueillent a leur enseigne,
Parc' qu'avant d' passer sur l'autr' berge
Y m'avait dit personne ne m'aime,
J' suis qu'une pauv' teigne.

Mais moi qui l'ai connu un peu,
Quand parfois j'y repense,
Putain ! C' qu'il etait malheureux,
Putain ! C' qu'y cachait comme souffrance
Sous la pale blondeur de se frange,
Dans ses yeux tristes, dans sa degaine.
Mais j' suis sur qu'au ciel c'est un ange,
Et quand j' pense a lui mon coeur saigne.
Adieu la teigne...